Journal Farandole

Museon Arlaten

Le choc !

ARLES - au Museon Arlaten

Culture et patrimoine

On y croyait plus. 11 années de fermeture. 3 années de travaux. 22, 5 millions d’euro. Et enfin… la réouverture !

L’équipe de Farandole a eu le privilège de pouvoir bénéficier d’une visite privée avec Aurélie Samson, la directrice par intérim, et quelle visite !

Le bâtiment fut racheté, par Frédéric Mistral, grâce à l’argent de son prix Nobel. Il souhaitait y installer son Museon Arlaten, dans un premier temps créé un peu plus haut dans la rue de la République, afin d’en faire son « palais du Félibrige ». Inauguré dans ses nouveaux locaux en 1909, le Museon Arlaten rassemble à présent, dans ses collections, plus de 38 000 objets et documents qui racontent la vie quotidienne des habitants de la Provence rhodanienne, de la fin du XVIIIe siècle à aujourd’hui. Depuis Mistral, les lieux n’avaient quasiment pas bénéficié de restauration.

Et pour cause ! Ce monument hybride possède des vestiges du 1er siècle, une partie 16éme, 17ème pour le collège jésuite et une partie 19ème. Autant de contraintes qui ont dû mobiliser d’innombrables experts : DRAC, architecte en chef des Monuments Historiques, Architecte des Bâtiments de France, Service du Patrimoine,  Service des Musées de France…

Le parti pris reposait sur un cheminement qui devait reprendre le passé muséographique du musée lui-même. Une sorte de « musée du musée » qui interroge les traditions et les éclaire d’un jour nouveau, éveillant curiosité et réflexion.

Mais le jeu en valait la chandelle… Dès la porte cochère arrière passée, on en prend plein les yeux.

L’ancienne cour de récréation de l’école jésuite a été réaménagée en parvis, espace de détente, offrant une vision d’ensemble et un magnifique point de vue sur l’exèdre du forum romain.

La surface de l’accueil, quant à elle, a été doublée et poétisée d’une fresque murale, reproduction en format géant d’une petite gravure illustrant « Mireille », le chef d’œuvre de Mistral.

Le cahier des charges du concours imposait également à l’architecte, Michel Bertreux, du cabinet nantais TETRARC, de se doter d’une mission muséographique. Confronté à l’importance de maintenir la continuité avec l’héritage de F. Mistral, il a préservé certains espaces et en a revisité d’autres, avec, par exemple, ces dalles de verre rétro-éclairées spécialement créées mais également ornées des motifs des carreaux de ciment historiques.

La mise aux normes des lieux s’est naturellement faite dans les règles de l’art avec plusieurs ascenseurs, monte personnes et rampes pour compenser les dénivelés des espaces.

Le vestiaire a été pensé comme un petit clin d’œil. Un cube bleu peint de ces mêmes motifs de carreaux de ciment – ils seront le fil conducteur des sols du musée – masquant des casiers mais également des espaces de rangement pour les fauteuils roulants, poussettes ainsi qu’un distributeur de snacks et d’eau.

La visite débute par une salle immersive sons et images, qui personnifie toute l’identité du territoire (au sens départemental du terme). Ces jeux graphiques d’images sans cesse renouvelées symbolisent également l’évolution des traditions et montrent à quel point elles n’ont jamais été figées.

Puis vient la salle de l’antiquité provençale, avec ses statues en plâtre, fidèle restitution de la salle de Mistral et parfaite évocation de la filiation antique et romaine de la ville d’Arles.

Mais laissons place au « clou du spectacle », selon Aurélie Samson…

Un escalier de verre et d’inox encadrant l’ascenseur en verre, tous 2 suspendus au-dessus des ruines romaines. Lors de la rénovation, le véritable challenge fut en effet d’aménager cet espace en préservant le patrimoine antique. Pari réussi haut la main tant l’espace est bluffant ! Il l’est d’autant qu’il est magnifié par les décors, signés Christian Lacroix, des 2 hautes parois sud et nord de l’escalier. Puisant son inspiration dans les collections du musée, le couturier s’est ingénié à créer des collages numériques (motifs verticaux très colorés, fleurs, symboles de la Camargue…) dans des dalles de verres sérigraphiées rétro-éclairées. Tout comme le sont les dalles en verre du sol sur lesquelles les motifs muraux ont été étirés.

Passons ensuite à la somptueuse chapelle des Jésuites, par laquelle il est désormais possible d’accéder par l’intérieur du musée. Après les étapes du clos et du couvert, tous les éléments ont été restaurés. Du magnifique retable 17ème en bois à la voûte en bois enduite à la chaux (très rare en France). Accès PMR, plancher chauffant et rafraichissant viennent compléter cette rénovation qui permettra à cet espace d’accueillir des expositions temporaires.

Les dioramas (scène de genre de « l’Accouchée » et du « Gros souper ») ont été conservés à l’identique et une salle du « Rhône et de la Mer » a été reconstituée grâce aux cartes postales d’antan, présentant vieux gréements, outils de pêche et toutes les croyances et traditions maritimes.

La salle du Consistoire, lieu historique des réunions du Félibrige, actuellement en restauration, restera un lieu de rencontres et d’échanges. Adaptée pour accueillir diverses manifestations et événements culturels liés à la programmation des expositions, elle pourra faire office de salle de spectacles, de conférences ou de projections grâce à la présence d’une régie technique, d’une scène et de places assises pouvant accueillir jusqu’à 90 personnes.

Des salles dites » d’interprétation » ponctuent et clôturent chacune des séquences du parcours, proposant, via des écrans numériques, un documentaire et une approche contemporaine de ce que le visiteur vient de découvrir. Une façon simple et ludique d’appréhender ce qu’est l’ethnographie…

Quant aux salles inspirées par Fernand Benoit, conservateur du lieu dans les années 40, elles présentent l’évolution du costume entre le 18ème et le 20ème siècle, car le port du costume commence à se codifier à cette époque (notamment avec Léo Lelée). Viennent enfin les ambiances muséographiques des années 70 et du 21ème siècle avec une projection multidirectionnelle sur une cabane camarguaise, l’exposition d’objets de vannerie, de tenue de gardian, de razeteur, de berger… La salle est obscure, seules les vitrines sont éclairées et un fil nylon suspend les objets, l’éclairage dramatisant créant ainsi une ambiance toute particulière.

La dernière pièce permet d’explorer les évolutions contemporaines du territoire. Les ateliers SNCF et la communauté gitane et catalane comptent ainsi parmi les sujets d’enquêtes ethnographiques menées par le Museon Arlaten et enregistrements, vidéos, costumes et objets emblématiques en sont la mémoire.

Côté technologie, tout le musée a désormais été numérisé, des dalles sonores directionnelles ont été installées dans le plafond, des audioguides seront à disposition et un dispositif tactile pour malvoyants a même été prévu avec plusieurs points d’ancrage sur le parcours de visite.

Au terme de son parcours, le visiteur aura traversé une histoire le menant de l’accumulation des objets ethnographiques du XIXe siècle, propre à faire naître un sentiment d’appartenance, à la muséographie la plus actuelle de nos modes de vie. Cette découverte est accompagnée d’outils numériques donnant tout leur sens aux collections, à leurs mises en scène successives et dévoilant un patrimoine immatériel toujours plus présent qui fonde aussi le « vivre ensemble » d’un territoire.

31 Rue de la République

Ils font vivre le territoire